Bram van Velde





Bram van Velde, c'est Abraham Duchamp, contemporain de son homonyme Marcel, chacun tenant par un bout l'un des deux sens de la révolution. D'un côté une révolution inobjective et sans rapport, reparcourant sans fin la boucle immémoriale qui reconduit aux commencements (Bram). De l'autre une révolution visant le mille de l'objet et fabricant de l'histoire à tour de bras (Marcel), avec dans les deux cas de longues et lentes gestations libérant de temps à autre pour l’un une idée-chose, pour l’autre un geste de peinture.

Il y aurait deux histoires, l'une faite d'irrigation et d’affleurements d'eaux souterraines, minérale et organique, épousant le long cours où le trait se poursuit infiniment suivant la révolution des astres sur eux-mêmes. Une autre écrite par l'homme pensant avoir prise sur ses objets supposés, adhérant à ses propres inventions, aux représentations qui lui sont attachées et cherchant à en renverser l’ordre.
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Un autre révolutionnaire : Morton Duchamp-Feldman, cousin par le silence du blanc de van Velde.

“Arriver au stade où l’intention n’est plus interrrompue quand le son des cordes s’interrompt, tel est le prodige du silence. Cette exigence trouve son équivalent en peinture (chinoise), particulièrement dans le style suggestif et elliptique où les blancs chargés d’énergie ont la même vertu que le silence en musique” (in l’art du Qin, et les notes de Simon Leys).

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On sait des animaux qu’ils savent un peu des langues parlées autour d’eux et particulièrement de celles qui determinent un territoire commun aux autres espèces. Les animaux s’observent, composent avec leur milieu et en assimilent ce qui leur permet de s’orienter dans nos mondes:  ce qu’ils voient, que nous ne savons pas qu’ils voient et cependant reconnaissons. Les espèces, y compris la notre, developpent un mimetisme de milieu qui les incline à apparenter les formes pour prendre pied dans un monde, circuler, passer les frontières. Ces formes peuvent aussi bien venir de la nature que de la peinture alentour.  On trouvera ainsi chez Bram van Velde du Picasso, du chien, du mineral, la hantise de l’autre sexe, sans que l’une ou l’autre de ses determinations ne coincide avec l’orientation de l’oeuvre. Au-delà de ces determinations, espèces et formes passées les unes dans les autres, la peinture obtient  des figures familières mais non identifiables, familières comme le sont les espèces qui peuvent échanger  entre elles sans parler les mêmes langues. Une autre manière de qualifier ce que Beckett entend avec la notion d’absence de rapport pour qualifier la peinture de Bram van Velde . Ce qui finit par advenir c’est une ressemblance sans objet.