Lohner & Carlson
Henning Lohner a réalisé avec son ami Carlson à partir du début des années 90 près d’un millier d’images actives qu’ils présentent sous le nom générique de silences. Il s’agit de plans séquence avec un cadrage le plus souvent fixe qui captent les inflexions du réel dans tous ses états. Ces images actives ont un rythme singulier entre peinture et cinéma. Il se passe suffisamment peu de choses pour que nous puissions creuser chaque plan et y prendre pied. L’architecture des plans, leur cadrage fixe et leur durée peuvent donner un sentiment de peinture. Mais à mesure que nous y devenons attentifs, un mouvement lent modifie plus ou moins sensiblement la matière de l’image, ou bien ce sont des éléments extérieurs qui peuvent traverser le plan : le nuage n’est plus le même, des voitures sont passées sur la route vide, traversant le cadre. Autant de micro évènements qui font figure de véritables évènements.
Si les films de HL se présentent sous le nom de silences, c’est aussi en application au régime des images de ce paradigme de John Cage sur l’indissociabilité du silence et du bruit. C’est ce bruissement du monde dans les images que captent ces silences, des images qui sont conçues pour rejoindre la temporalité du spectateur, le retrouver à l’endroit de son attention active-passive.
Les images actives de Henning Lohner & Carlson sont douées d’une capacité à réinitialiser l’attention. Couper le son. Godard l’avait fait quelques fois. Mais ici le son ne revient pas. Nous sommes à la préhistoire des images, qui délivrent leur énigme égale.