Pablo Schatzman
S’il venait un homme au monde aujourd’hui, avec la barbe de clarté des patriarches : il devrait s’il parlait de ce temps, il devrait bredouiller seulement, bredouiller toujours, bredouiller. (Paul Celan)
Pablo Schatzman va de villes en villes où on l’appelle, emportant avec lui le peu dont il pourrait avoir besoin et qu’il n’aurait pas oublié. Une chemise, des partitions, quelques livres. Il emporte aussi un supplément d’âme qui sauve du non-lieu.
Cherchant dans sa poche le billet du train qui va partir Pablo Schatzman laisse échapper sa valise qui s’ouvre par terre. Se baissant pour en ramasser le contenu ses poches se vident. Il ramasse à mesure ce qui continue d’en tomber, sans trop se hâter. Il sourit du bleu de ses yeux enfoncés dans son crâne. D’une main le violon emmené partout, qui valse de ce pas entrainé à essayer d’arriver avant la fermeture des portes, une mesure du temps que Pablo Schatzman conjure en se prenant les pieds dedans. Empêcher le temps de s’installer dans ses vitesses mortes, instiller du contretemps, aller son chemin sans mettre les pas dans les pas.
Il y a là quelqu’un qui porte la musique et des questions - que sans doute il ne posera pas – mais quelqu’un qui fait question, durablement, qui fait œuvre de son séant. Certains parlent d’artistes sans œuvres. Nous n’en sommes pas loin, ni à l’abri d’une œuvre arrivant d’un coup. Ou bien s’agit-il seulement de retarder la guerre en rappelant quels désastres elle cause? Nul ne saurait le dire. Dans tous les cas prendre soin d’où l’on avance ses pas pour ne pas écraser d’invisibles animaux.